Retour sur la cérémonie oecuménique de l’ ACAT

Une soirée riche et dense, chargée d’émotion avec l’évocation des personnes soutenues par l’Action des Chrétiens pour l’abolition de la torture.

20200625_212008Vous trouverez ci-joint le texte de ma méditation, autour des versets 16 à 21 du chapitre 3 de l’évangile selon Jean.

De tout l’évangile, s’il n’y avait qu’un verset à garder, peut-être serait-ce celui là : « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse pas, mais qu’il ait la vie éternelle » (Jean3, 16).

Il nous faudra toute une vie pour en découvrir toute sa richesse, toute sa profondeur, toute sa puissance et toutes ses implications.

Pour nous ce soir, je retiens seulement quelques idées  :

– Chez Jean, le jugement est déjà rendu ! La vie, l’enseignement et la croix sont le jugement de Dieu pour le monde. Car tel est son amour.

Face aux hommes qui préfèrent les ténèbres, Dieu lui donne sa lumière et son pardon. Car tel est son amour.

Car oui, Dieu est un amoureux incorrigible, selon la très belle expression que j’emprunte à Dom André Louf.

Chez Jean, en Christ, Dieu se donne lui-même.

Et c’est donc lui qui vient habiter toutes nos ténèbres, par delà nos refus et nos errances. Il est là, il se tient, en croix, pour éternellement liant les bras de sa justice, pour éternellement déliant les bras de sa miséricorde.

– La croix !

Mesurons-nous la signification, spécialement pour nous, ce soir, du symbole même de notre foi chrétienne ?

Nous croyons en un maître et seigneur qui est notre frère.

Pas seulement notre frère, mais un maître, un seigneur et un frère qui rencontre la souffrance, la torture et la mort.

Cela implique que Dieu, en Christ, affronte et traverse la torture, la souffrance la plus extrême et la mort !

Il affronte le pire que l’homme puisse affronter, la plus extrême souffrance possible, par amour.

Il l’affronte et la traverse et du coup, désormais l’illumine de sa lumière.

La souffrance, même la plus extrême infamie, même là où l’humain est bafoué, nié, détruit, et bien même là, Dieu désormais se tient, et parce qu’il se tient là aussi, il peut alors ouvrir et transfigurer, à cause de sa présence à cet endroit là, justement.

Par amour. Et Son amour n’est pas seulement empathie pour le monde, mais puissance de transformation du monde !

Désormais, il y a cette étincelle de lumière, qui illumine la ténèbre.

C’est très exactement ce que nous avons voulu manifester avec notre croix de lumière.

Et voilà peut-être pour nous autres, qui voulons être de ses disciples, ce que signifie cette étrange expression johannique : « pratiquer la vérité » : le grec dit littéralement «  faire la vérité ».

– Dis, papa, c’est quoi, faire la vérité ?

Témoigner inlassablement de la puissance de la lumière, fut-ce dans les ténèbres les plus extrêmes, par la seule force de cette parole reçue qui illumine et transfigure, et de tenter d’en vivre ; et le père Maurice Bellet d’écrire :

« Si Dieu est, il est en l’homme ce point de lumière qui précède toute raison et toute folie et que rien n’a puissance de détruire. Peut-être alors que croire en Dieu consiste en ceci : croire qu’en tout être humain existe ce point de lumière »1.

Même prostré et brisé dans le cachot le plus opaque.

Ma sœur, Mon frère, moi, je n’ai pas le droit de dire cela, car je n’ai jamais connu la captivité ni la torture ; mais d’autres nous le disent !

Écoutons le jeune pasteur encore, il n’a pas 40 ans, Dietrich Bonhoeffer ; il écrit ces mots depuis sa prison, cela fait plus de deux ans déjà que le régime nazi l’a incarcéré.

Nous sommes en décembre 1944, un court poème accompagne la dernière lettre que nous avons de lui.

Il sera assassiné sur ordre exprès d’Hitler le 9 avril 1945.

[…]

Tu veux nous réjouir encore une fois

à ce monde et à l’éclat de son soleil,

et nous voulons nous ressouvenir du passé,

pour T’offrir toute entière notre vie.

Fais s’élever aujourd’hui la flamme chaude et claire

que Tu as apportée dans nos ténèbres,

fais-nous nous rencontrer à nouveau, si cela peut être.

Nous le savons, ta lumière brille dans la nuit.

Lorsque fond sur nous le profond silence,

fais nous entendre ce plein accord du monde,

qui invisible s’élève autour de nous,

le chant de louange de tous tes enfants.

Merveilleusement gardés par des forces bienveillantes,

nous attendons sans crainte l’avenir.

Dieu est avec nous soir et matin,

et le sera jusqu’au dernier jour.

Pasteur Jean-François BREYNE, Église protestante unie de France, paroisse luthérienne Saint-Jean, Paris 7ème.

1 Maurice Bellet, in Dieu, personne de l’a jamais vu, 2008, Albin Michel, p. 95.

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